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Légitime défense dans l’affaire Alexandra Lange : le syndrome de la femme battue

Affaire Alexandra Lange

Alexandra LANGE a été acquittée, le 23 mars 2012 par la Cour d’Assises de Douai.

Il a été tenu compte non seulement de son état de femme battue depuis de longues années, mais aussi du fait que son geste n’a été ni un choix délibéré, ni prémédité, mais protecteur.

En conséquence, la légitime défense a été retenue en vertu de l’article 122-5 du Code pénal qui dispose :

  • « n’est pas pénalement responsable la personne qui devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui ;
  • accomplit dans le même temps un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou autrui ;
  • sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ».

Si la légitime défense n’avait pas été retenue, Alexandra LANGE aurait pu être condamnée à la réclusion à perpétuité.

Il en va différemment au Canada, où dans un contexte de violences conjugales, le syndrome de la femme battue pourrait-être mis en avant même si les critères de légitime défense ne peuvent être retenus.

Le syndrome de la femme battue (SFB)

Ce syndrome se définit par un ensemble de signes cliniques privant la personne qui en est atteinte de la possibilité de trouver une solution raisonnable pour se sauver de la situation de terreur et de danger vital dans laquelle elle se trouve.

Le syndrome de la femme battue (SFB) a été mis en lumière il y a plus de 20 ans au Canada.

Ce syndrome peut se délimiter à des signes cliniques manifestant un état post-traumatique suite à des violences subies sur une longue période.

La personne souffrant de ce syndrome se sent totalement piégée dans le cercle infernal de la violence et développe une peur légitime et constante d’être tuée.

L’affaire Lavallée est une illustration de ce syndrome

Les faits : Angélique Lyn Lavallée a été pendant 3 ou 4 ans la conjointe de fait de Kevin (Rooster) Rust. Leur relation souvent ponctuée de disputes et d’actes de violences et leurs différends pouvaient durer 2 ou 3 jours et parfois même plusieurs semaines. Elle a souvent fait l’objet d’agressions physiques de la part de son conjoint. Entre 1983 et 1986 elle a dû se rendre plusieurs fois à l’hôpital à cause des blessures dont de graves contusions, ecchymoses multiples, fracture au nez et œil au beurre noir.

Un ami a vu Mr Rust la battre et a vu à 2 reprises Mme Lavallée pointer une arme à feu sur son conjoint le menaçant de l’abattre s’il la retouchait.

D’autres témoins ont également vu ses blessures.

Dans la soirée du 30 août 1986 le couple a donné une réception, devenue plutôt bruyante. A un moment donné, Mr Rust poursuivait Mme Lavallée à l’extérieur de la maison. Plus tard on entendit les bruits de « quelqu’un qui battait quelqu’un d’autre » puis 1 et un 2ème coup de feu et les cris d’une femme. Mme Lavallée avait effectivement tiré 2 coups de feu en direction de son conjoint avec une carabine, la première l’a raté mais la seconde l’a atteint derrière la tête, le tuant au moment où il allait sortir de la pièce.

Un agent de police et un médecin ont par la suite observé des marques et des blessures sur le corps de Mme L ce qui confirme sa déclaration selon laquelle elle avait dû se défendre.

Pendant le procès pour meurtre au second degré de Mme L, un psychiatre spécialisé dans le traitement des femmes battues a déclaré que la terreur que Mr R exerçait sur Mme L l’avait plongée dans un sentiment de vulnérabilité et qu’elle se sentait dévalorisée et piégée dans une relation dont, malgré la violence, elle ne réussissait pas à sortir. Il a également déclaré que la violence permanente dont faisait l’objet constituait une menace pour sa vie et qu’elle avait utilisé une arme à feu en désespoir de cause, estimant que Mr R avait l’intention de la tuer.

Cette femme a été acquittée, car il a été estimé que l’acte de légitime défense était caractérisé, car elle croyait raisonnablement qu’il n’y avait pas d’autre solution que d’enlever la vie à son agresseur pour survivre.

Ainsi, il y a déjà 20 ans le Canada a tenu compte dans l’appréciation de la réaction d’une femme face à une agression, de la réalité quotidienne de ces femmes, de leur situation, de leur psychisme qui peut être très différente de ceux des hommes, notamment dans les situations de violences conjugales.

La présomption de légitime défense reconnue au Canada est au cœur du débat.

La présomption de légitime défense

Il convient de remettre en cause aujourd’hui en France une appréciation trop archaïque et traditionnelle de la légitime défense avec ses 3 critères stricts qui ne sont pas adaptés dans des affaires d’homicides conjugaux.

C’est pourquoi, il conviendrait de renverser la charge de la preuve et de parler de légitime défense présumée.

Cette présomption de légitime défense existe déjà en droit Français dans certaines situations :

Ainsi les dispositions de l’article 122-6 du Code pénal qui prévoit que dans certaines situations, de nuit, dans un lieu habité, lorsque la victime est confrontée à une situation d’agression violente, il est permis d’invoquer la légitime défense : « est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit l’acte :

  1. Pour repousser, de nuit l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité.
  2. Pour se défendre contre les auteurs de vols ou pillages exécutés avec violence. »

Lorsque vous êtes chez vous, dans votre habitation, en sécurité et qu’un individu pénètre de nuit, que vous vous défendez jusqu’à tuer la personne, vous êtes donc présumé avoir agi en état de légitime défense.

Cela veut dire que :

  • Vous n’avez pas à prouver que vous êtes en état de légitime défense.
  • L’avocat général devra démontrer que vous n’êtes pas en état de légitime défense.

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