Exécution forcée d’une décision de justice : pourquoi et comment l'obtenir ?

Cet article ne concerne que les décisions de juridictions judiciaires (pas administratives).

Pourquoi et comment forcer votre adversaire à exécuter la décision de justice ? Nous allons y répondre.

Dans quels cas et pourquoi vouloir faire exécuter une décision de justice ?

En théorie, suite à un litige vous réussissez à obtenir une décision de justice condamnant la partie à s’exécuter auprès de vous (ex: régler une somme d’argent, ou à vous rendre un bien qui vous appartient…). Celle-ci se doit de le faire rapidement et de façon spontanée. Or, en pratique, c’est très rarement le cas.

Dans ce cas, il est nécessaire de faire appel à un huissier de justice. Il est le seul professionnel du droit compétent pour mettre en place une procédure permettant d’obliger l’autre partie à appliquer la décision de justice (sauf dans le cas où une saisie immobilière est nécessaire : ce sera le juge)

Attention, mettre en œuvre une exécution forcée n’a que pour objectif d’obtenir, selon la décision de justice, une somme d’argent ou de récupérer un bien. En effet, vous ne pouvez pas forcer un individu à exécuter une obligation “de faire” lorsqu’elle est purement personnelle (ex : l’autre partie s’était engagée à peindre un tableau, ou construire un meuble car il a une méthode unique, etc …). Toutefois, vous pourrez tout de même obtenir une indemnisation (des dommages-intérêts).

Les conditions devant être remplies pour prétendre à une exécution forcée

Avant toute chose, il faut disposer d’un titre exécutoire. Cet acte permet d’obtenir une exécution forcée. Ce titre doit constater que ce que doit vous donner votre adversaire existe bien. Il permet de justifier la procédure de saisie.

La loi considère comme un titre exécutoire :

  • Les décisions de justice
  • Les actes homologués par le juge, comme une transaction
  • Les procès-verbaux signés par les parties et par le juge
  • Les actes notariés revêtus de la formule exécutoire : « En conséquence, la République Française mande et ordonne à tous Huissiers de Justice sur ce requis de mettre ladite décision à exécution, aux Procureurs Généraux et au Procureurs de la République près les Tribunaux de Grande Instance d’y tenir la main à tous Commandants et Officiers de la Force Publique de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis. En fois de quoi, la présente décision a été signée par le Président et le Greffier ».
  • Le titre délivré par l’huissier de justice en cas de non-paiement d’un chèque…

Nous détaillons ci-après les conditions à remplir en cas de titre exécutoire obtenu grâce à une décision de justice. En effet, c’est le cas le plus courant en pratique et c’est celui qui nous intéresse dans cet article.

Admettons que vous ayez une décision de justice, dans ce cas, il ne faut pas que votre adversaire fasse appel de celle-ci : faire appel suspend l’exécution de la 1ère décision, ce qui empêche toute mesure d’exécution forcée (on dit que la décision doit être définitive, « passée en force de chose jugée »).

Toutefois, l’exécution forcée peut être demandée si le jugement rendu par le 1er juge est assorti d’une « exécution provisoire ». Cette particularité est écrite et justifiée dans ce 1er jugement, vous en êtes informés par le juge ou votre avocat. Mais attention, cela peut comporter des risques. En effet, si par la suite le jugement donne raison à votre adversaire, il vous faudra restituer ce qui vous a été accordé.

Par ailleurs, le jugement doit avoir été notifié à l’adversaire. Afin de vous en assurer, vous pouvez le demander au tribunal qui a rendu la décision. Si le jugement n’a pas été notifié, il vous faut contacter un huissier de justice, et lui demander de signifier le jugement à votre adversaire. En effet, on ne peut forcer l’autre partie que si elle a eu connaissance de la décision.

Par conséquent, il est recommandé de faire appel à un huissier. Celui-ci pourra s’assurer que l’adversaire a bien reçu la décision. De plus, c’est la personne compétente pour mettre en œuvre une procédure d’exécution forcée si cela s’avère nécessaire.

Vous estimez être en droit de demander à votre adversaire de s’exécuter ?

Il est conseillé de faire appel à un professionnel du droit (l’huissier de justice, un avocat…) qui pourra vous indiquer en précision si les délais sont respectés, si les conditions sont remplies, et si vous disposez d’un titre exécutoire.

Comment faire pour obtenir une exécution forcée ?

Avant toute chose, il est préférable de tenter une approche amiable. Pour ce faire, par courrier, demandez à votre adversaire de s’acquitter des obligations qu’il vous doit dans un délai défini (par exemple, déterminez un délai de 15 jours). De plus, vous pouvez lui indiquer votre volonté de faire appel à un huissier afin de le contraindre à s’exécuter s’il ne le fait pas (pensez à préciser que les frais d’huissier seront à la charge de la personne condamnée.) Cette approche amiable peut être avantageuse pour vous comme pour lui : cela permet d’éviter une procédure longue, et des frais supplémentaires (actes relatifs à la saisie …). En outre, elle permet de recevoir rapidement ce que votre adversaire vous doit, et lui évite de voir ses comptes bancaires ou ses biens saisis par un huissier.

Il est fortement conseillé d’envoyer ce courrier en recommandé avec accusé de réception. L’intérêt est de pouvoir dater précisément le moment auquel l’autre partie a eu connaissance de votre mise en garde. Ainsi, vous pourrez apporter la preuve qu’il a bien reçu votre demande et que vous avez essayé de résoudre le différend de manière amiable.

En cas d’échec de l’approche amiable, l’intervention de l’huissier est nécessaire.

Comme nous l’avons dit précédemment, les frais d’huissier (qui sont notamment les frais des différents actes qui seront accomplis) seront à la charge du perdant, donc en théorie de votre adversaire qui n’a pas respecté ses obligations. Toutefois, pour pouvoir commencer la procédure d’exécution forcée, il est fréquent que l’huissier vous demande une provision servant à couvrir le coût des premiers actes.

Pour en savoir plus sur la suite du déroulement

Dans un 1er temps, l’huissier va adresser à votre adversaire un commandement de payer. Cet acte a le même rôle que votre éventuelle approche amiable : il va donner un délai de 8 jours à votre adversaire afin de lui permettre de s’exécuter volontairement. S’il ne s’exécute pas, à l’écoulement de ce délai de 8 jours, l’huissier, dans un délai de 2 ans, pourra actionner différentes mesures pour forcer l’autre partie à payer.

Ces différentes mesures de saisie s’appellent des « voies d’exécution ».

Saisie des comptes bancaires

S’il s’agit d’une « petite » somme, il sera judicieux de demander une saisie des sommes présentes sur les comptes bancaires de l’adversaire par une saisie-attribution. L’huissier de justice dispose de pouvoirs lui permettant d’interroger les fichiers bancaires, afin de connaître toutes les informations nécessaires pour communiquer avec la banque de l’adversaire.

Saisie des rémunérations

Il est également possible de saisir les rémunérations de l’adversaire. Une somme sera directement prélevée sur son salaire. Il faut savoir que dans ce cas-là, vous serez convoqué par le tribunal d’instance (tribunal exclusivement compétent pour la saisie de rémunérations), afin de tenter une conciliation qui est obligatoire.

Toutes les sommes présentes sur les comptes bancaires ne peuvent pas être saisies : il faut laisser au titulaire du compte de quoi vivre, ce qui correspond au montant du RSA pour une personne seule. L’adversaire est informé dans un délai de 8 jours par l’huissier de la saisie de ses comptes, et il dispose d’1 mois pour contester cette décision.

Saisie des meubles

Pour des sommes plus importantes, et que les saisies précédentes sont insuffisantes, il est alors possible de faire une saisie de meubles du perdant (le débiteur)On privilégie la saisie de meubles, avant la saisie d’immeubles.

Après le délai de 8 jours toujours, l’huissier de justice se présentera au domicile de votre adversaire. Il lui rappelle qu’il peut s’acquitter maintenant des sommes dues. Dans le cas contraire, il commencera la saisie des meubles.

Il ne peut cependant pas saisir tous les meubles du perdant : il doit en effet laisser à sa disposition les biens qui lui sont nécessaires : vêtements, souvenirs, une table et des chaises, … Ainsi que le matériel médical s’il a des problèmes de santé par exemple.

Les biens saisis seront consignés dans un procès-verbal. À partir de la remise du procès-verbal par l’huissier à l’adversaire, celui-ci ne peut plus vendre, ni céder les meubles saisis. Il ne peut pas non plus les déplacer.

Une fois les meubles saisis, il dispose d’un délai de 1 mois pour vendre de façon amiable les meubles saisis. Il vous informe (le plus souvent par le biais de l’huissier de justice), de toute vente possible de cette façon.

À l’expiration du délai d’1 mois, les biens seront vendus par une mise aux enchères, qui sera réalisée par un commissaire-priseur.

Saisie des immeubles

Si la saisie et la vente des meubles de votre adversaire se révèlent insuffisantes car la somme qu’il vous doit est très importante, il est possible d’envisager une saisie des immeubles.

Dans cette procédure, il est obligatoire de faire appel à un avocat : cette saisie se passe désormais au tribunal.

Après l’expiration du délai de 8 jours après le commandement de payer, l’huissier dressera alors un procès-verbal décrivant l’immeuble saisi. Votre avocat devra déposer le commandement de payer à la Conservation des hypothèques : s’agissant d’un immeuble, cela permet à tout un chacun d’être informé de la vente prochaine de celui-ci. Il déposera au tribunal (au juge de l’exécution), un cahier des charges reprenant les informations essentielles pour la vente, ainsi que les éventuels créanciers déjà inscrits sur cet immeuble, c’est-à-dire notamment ceux ayant une hypothèque sur ce bien.

Une vente amiable est possible à la demande de votre adversaire. Dans le cas contraire, une vente forcée sera ordonnée par le juge, et les enchères se feront au tribunal, par le biais d’avocats.

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