Le changement de régime matrimonial

La grande innovation de loi du 13 juillet 1965 est d’avoir autorisé le changement de régime matrimonial au cours du mariage.

On peut passer d’un régime de communauté légale à un régime de séparation de biens, ou l’inverse, opter pour une communauté universelle avec attribution au dernier vivant, mais aussi aménager le régime existant et ne modifier que la destination d’un bien (Cass. civ., 1ère du 21 janvier 1992, n°90-14.459).

Mais les époux ne sont pas libres de faire ce qu’ils veulent et il faut admettre que la procédure, encadrée à l’article 1397 et suivants du code civil, n’est pas si simple.

La modification du régime matrimonial est faite par-devant notaire et soumise à l’homologation du tribunal.

En effet, tout changement affectant les relations patrimoniales d’un couple est un acte grave, car susceptible de limiter la garantie à laquelle peuvent prétendre leurs créanciers, mais aussi de déséquilibrer les droits successoraux de leurs héritiers.

Et pour s’assurer que cet équilibre ne soit pas sans arrêt remis en cause de par leur seule volonté, les époux doivent respecter des conditions de fond mises en place par le législateur.

Les conditions requises pour changer de régime matrimonial

Un délai d’attente de deux ans

L’article 1397 du Code civil énonce qu’après « deux années d’application du régime matrimonial, les époux peuvent convenir, dans l’intérêt de la famille, de le modifier ou même d’en changer entièrement ».

On ne peut changer de régime matrimonial avant le délai de deux années à compter du jour du mariage ou d’un précédent changement de régime matrimonial.

En droit, l’écoulement d’un laps de temps est le moyen de s’assurer que les parties ont bien réfléchi à l’importance de l’acte envisagé. Cela permet également d’assurer un minimum de stabilité tant envers les créanciers que les héritiers des époux.

L’intervention du notaire

La nouvelle convention est établie auprès d’un notaire (article 1397 alinéa 1er). Le changement de régime est établi sous la forme d’un acte authentique.

La modification doit avoir lieu en présence des deux époux pour recueillir leur accord simultané. Ils pourront être représentés par un mandataire muni d’un pouvoir spécial. Ils devront réitérer leur accord au moment de l’homologation.

C’est le notaire qui reçoit les oppositions formées par les enfants et les créanciers contre le changement envisagé. C’est donc lui qui en informe les époux.

En cas d’opposition l’acte est établi par le notaire et les contestations sont tranchées par le juge au cours de l’homologation.

L’homologation judiciaire de la nouvelle convention

L’acte notarié est soumis à l’appréciation du juge aux affaires familiales (JAF) du TGI du domicile familial (article 1397 alinéa 1 du code civil et 1300 du code de procédure civile).

La procédure

La saisine du JAF doit être faite par une requête conjointe des époux. La représentation d’avocat est obligatoire.

La nouvelle convention est annexée à la requête qui est soumise à publicité afin d’informer les tiers de l’intention des époux (articles 1301 et suivant du code civil et 1292 du code de procédure civile).

Le jugement d’homologation ne pourra intervenir qu’un mois après les formalités de publicité.

Le pouvoir d’appréciation du JAF

Le juge vérifie la validité du consentement des époux et le respect de l’intérêt familial. Les enfants et même des tiers (les créanciers) intéressés par la modification pourront être entendus au cours de la procédure et faire valoir leurs intérêts.

Le consentement des deux époux

Le juge s’assure du consentement libre et éclairé des époux.

Si l’un des époux est un majeur protégé (curatelle ou tutelle) il faudra obtenir l’autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles.

L’intérêt de la famille

Il s’agit de l’intérêt des époux, mais aussi celui des enfants, puisque cela affecte leurs droits successoraux. Tout est question d’équilibre. C’est ainsi que la Cour de cassation a refusé que des époux passent sous le régime de communauté universelle, avec attribution intégrale des biens communs à l’époux survivant, pour préserver les intérêts successoraux des enfants (Cass. civ., 1ère du 6 janv. 1976, n° 74-12.212 et Cass. civ., 1ère du 25 mai 1982, n° 82-12.972).

Les enfants majeurs du couple auront 3 mois, à compter du jour où ils sont informés, pour s’opposer au changement du régime matrimonial de leurs parents.

Cette opposition doit être faite par lettre recommandée avec accusé de réception auprès du notaire en charge de l’établissement de l’acte.

En l’absence d’opposition dans les 3 mois de la connaissance de la modification, ils seront réputés avoir consenti au changement de régime matrimonial de leur parents.

L’intérêt légitime des tiers

Cet intérêt est observé à l’égard des tiers. Il s’agit de s’assurer que les époux n’organisent pas leur insolvabilité, ni ne dissimulent, ou rendent certains biens indisponibles et donc inaccessibles à leurs créanciers.

Les tiers auront 3 mois pour s’opposer au changement de régime à compter de la publication dans un journal d’annonces légales.

La publicité du changement de régime

L’article 1397 alinéa 5 prévoit que la décision d’homologation devra faire l’objet d’une publicité avec :

  • Sa publication dans un journal d’annonces légales ;
  • Sa notification au notaire qui doit mentionner le changement sur la minute du contrat de mariage dont il détient l’original ;
  • Sa notification à l’officier d’état civil avec mention de la nouvelle convention sur l’acte de mariage ;
  • Son inscription à la conservation des hypothèques (si le changement affecte le sort des biens immeubles) ;
  • Son inscription au registre du commerce et des sociétés si les époux, ou seulement l’un d’entre eux est commerçant ;

Le changement de régime matrimonial est inscrit au répertoire civil.

Les voies de recours

En cas de refus d’homologation, les époux peuvent faire appel de la décision refusant l’homologation, et ensuite former un pourvoi en cassation.

En cas d’homologation de la nouvelle convention, alors que des tiers (des créanciers d’un ou des deux époux) n’avaient pas eu connaissance du changement, ils auront une année pour exercer la tierce-opposition.

Mais l’article 1397 alinéa 6, conditionne l’action à l’obligation du créancier à la preuve d’une fraude entre les époux. Cela signifie qu’il doit démontrer que le seul but du changement était de soustraire des biens à l’action des créanciers et de créer leur insolvabilité. Ce qui, dans les faits, sera très difficile à démontrer.

Les effets du changement de régime matrimonial

Le régime matrimonial antérieur est liquidé, c’est-à-dire, dissous. Il n’existe plus et n’a plus vocation à régir les relations patrimoniales des époux.

Entre les époux : Le nouveau régime prend effet dès l’établissement de l’acte notarié ou, en cas d’opposition, à compter du jugement d’homologation .

Envers les tiers : La convention prendra effet 3 mois après les formalités de publicité (parution dans un journal d’annonces légales, inscription en marge de l’acte de mariage, au registre du commerce et des sociétés…).

À savoir : Le changement ne modifie pas les donations faites aux époux par des tiers.

C’est l’hypothèse de la donation faite par des parents à leur enfant, et donc à l’un des époux. Ces donations ne sont pas révoquées par le changement, mais si les époux passent d’un régime de séparation de biens à un régime de communauté, elles pourront passer dans la masse commune des biens.

Par prudence, le donateur souhaitant que seul son enfant bénéficie du don accordé, peut subordonner le maintien de la donation à l’absence de changement de régime matrimonial.

Un commentaire

  1. Bonjour madame,Monsieur
    J’aurais une question SVP .
    Que ce passe t’il si les enfants n’ont pas été informés du changement de régime matrimonial de leurs parents ?
    Doit il y avoir ce document ?
    Merci de votre réponse
    M.b GALARD

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