La Tutelle des majeurs

C’est un régime de protection mis en place quand le majeur doit être représenté de manière continue dans tous les actes de la vie quotidienne.

C’est le régime le plus grave. Suivant le principe de subsidiarité, il ne pourra être mis en place que si le juge estime que la sauvegarde de justice ou la curatelle étaient insuffisantes à protéger les intérêts du majeur.

La demande doit être faite au juge des tutelles qui devra désigner les organes chargés d’exécuter la mesure : le tuteur, le subrogé tuteur et le conseil de famille.

Le majeur protégé

Le majeur sous tutelle devra exercer seuls tous les actes relatifs à sa personne. C’est à dire ceux qui le concernent personnellement.

Il pourra, sauf en cas de danger, consentir, sans représentation ni assistance, à sa propre adoption, au choix de son domicile, ou de sa résidence et entretenir des relations personnelles avec ses ami.es.

Si le majeur a des enfants, il peut faire seul une déclaration de naissance, une reconnaissance d’enfant, faire des actes relatifs à l’exercice de l’autorité parentale, choisir et changer le nom de l’enfant ou consentir à son adoption.

Cependant certains actes seront soumis à une autorisation, il s’agit du:

  • Mariage: Il faut l’autorisation du juge des tutelles et du conseil de famille (s’il y en a un) après audition des futurs conjoints.
  • PACS: Sa conclusion doit être faite avec l’assistance du tuteur. La déclaration conjointe auprès du TI et la rupture peuvent être fait sans assistance, mais les mesures de publicité sont faites par le tuteur
  • Divorce: Si le majeur est à l’origine de la procédure la demande est faite par le tuteur avec l’autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles,  après l’obtention d’un avis médical et l’audition du majeur.

Si le majeur est défendeur dans la procédure de divorce, l’action est dirigée contre le tuteur.

Si l’époux exerçait la mesure de tutelle, le juge désignera un tuteur ad hoc durant la procédure.

Le tuteur

Sa désignation

Le tuteur peut être désigné par anticipation dans un contrat de protection future, par le majeur lui-même, ou par ses parents (c’est l’hypothèse où le dernier parent exerçant l’autorité parentale désigne un tuteur à l’enfant s’il venait à décéder ou à perdre ses facultés mentales ou physiques).

En l’absence de toutes dispositions, le tuteur sera désigné en priorité parmi le cercle des proches du majeur et en fonction de ses aptitudes. Il peut s’agir :

  • du conjoint, du partenaire pacsé, du concubin (sauf en cas de cessation de vie commune)
  • d’un parent (père, mère, enfants…), un allié ou ami avec lequel le majeur entretient des liens étroits et stables
  • d’un mandataire judiciaire (MJPM) dont la profession réglementée est d’exercer la fonction de tuteur

Si la personne est hébergée ou hospitalisée, la fonction sera exercée par le directeur de l’établissement de soins (hôpital) ou social (maison de retraite…) qui pourra  déléguer cette fonction à l’un de ses préposés.

Le juge peut désigner plusieurs tuteurs chargés de missions distinctes. L’un d’entre eux pourra par exemple être chargé de la protection de la personne (soins, autorisation au mariage…) et l’autre de la protection de ses intérêts patrimoniaux (gestion des comptes bancaires, placements…).

La mission tutélaire

La charge d’une tutelle est personnelle. Une fois désigné, le tuteur ne peut pas la déléguer (sauf dans le cas du directeur de l’établissement de soins). Il est chargé de représenter et donc, d’agir au nom et pour le compte du majeur au quotidien.

Son exercice est limité à 5 ans sauf si la fonction est exercée par le conjoint, la famille ou le mandataire judiciaire.

Il est tenu de faire un inventaire des biens dans les trois mois suivant sa désignation et doit rendre des comptes tous les ans.

À la fin de la tutelle il rend un compte définitif de sa gestion.

La gestion du patrimoine du majeur sous tutelle

La gestion du patrimoine s’exerce sous le mode de la représentation. L’article 496 du code civil précise que le tuteur est tenu à « des soins prudents diligents et avisés dans le seul intérêt de la personne protégée ».

En matière de patrimoine deux sortes d’actes sont envisageables :

  • Les actes de d’administration : Ce sont des actes de gestion courante, d’exploitation ou de mise en valeur de la personne protégée dénuée de risques anormaux.
  • Les actes de disposition : Ce sont des actes graves qui engagent le patrimoine du majeur protégé, pour le présent et l’avenir, par une modification importante de son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire.

Voir le tableau détaillé issu du décret de 2008, qui recense et distingue tous les actes d’administration et de disposition.

Les actes que le tuteur peut faire seul :

  • Les actes conservatoires et d’administration
  • Les actions en justice pour protéger les droits et les biens du majeur

À savoir : Si le majeur cesse d’être protégé (il redevient capable) et que le tuteur avait consenti des baux sur les biens du majeur, le locataire ne pourra pas prétendre à un droit de renouvellement ou de maintien dans les lieux

Les actes pour lesquels le tuteur doit avoir l’autorisation du conseil de famille :

  • Conclure un contrat avec un professionnel pour des actes de gestion financière.
  • Faire des actes de disposition (vente d’un immeuble) ;
  • Accepter ou renoncer à une succession

Les actes interdits au tuteur :

  • Les actes emportant une aliénation gratuite des biens du majeur ;
  • Acquérir d’un tiers un droit ou une créance que ce dernier détient sur la personne protégée ;
  • Acheter des biens appartenant à la personne protégée ;

Le subrogé tuteur

Le subrogé tuteur est désigné par le juge des tutelles toutes les fois qu’il l’estime nécessaire. Si le conseil de famille est déjà constitué, c’est lui qui devra le désigner.

Son rôle est de surveiller le tuteur et de référer au juge toutes les anomalies qu’il aura constaté dans l’exécution de la mesure.

Il est également chargé d’intervenir lorsque les intérêts du tuteur sont en conflit avec le majeur et doit être informé avant la prise ou la conclusion de tout acte grave.

Le tuteur ad’hoc

Il peut être désigné si les intérêts du tuteur sont en conflit avec le majeur. C’est l’hypothèse d’une procédure de divorce, lorsque que la tutelle est exercée par l’époux(se) du majeur, sans avoir à distinguer lequel des deux est l’origine de la procédure.

Le conseil de famille

Il est désigné par le juge des tutelles au regard des sentiments exprimés par le majeur, de ses relations habituelles et de l’intérêt qu’elles lui portent. Dans la mesure du possible, les personnes seront choisies dans les deux branches de la famille (maternelle et paternelle).

Outre le juge des tutelles qui le préside (en cas de partage, son vote est prépondérant), le conseil de famille est composé au minimum de 4 membres. Le tuteur et le subrogé tuteur en font partie, mais le tuteur n’a pas de droit de vote.

Le rôle du conseil de famille est d’organiser les conditions générales de la tutelle. Il prend toutes les décisions importantes et notamment celles relatives au montant des indemnités allouées au tuteur. Il lui appartient également de donner mandat au tuteur pour la gestion des biens du majeur.

La publicité de la décision

Toute décision du juge des tutelles (ouverture, modification, main levée…) fait l’objet d’une publicité.

Le secrétariat-greffe envoie un extrait de la décision au secrétariat-greffe du TGI du lieu de naissance de la personne protégée ou au service central d’état civil de Nantes pour les personnes nées à l’étranger, pour qu’elle soit mentionnée au répertoire civil.

L’acte de naissance du majeur protégé portera la mention « RC » (Répertoire Civil) assorti d’un numéro correspondant à l’extrait de la décision conservée au répertoire civil du TGI du lieu de naissance.

Les sanctions prévues en cas d’actes irréguliers

Les actes irréguliers passés par le majeur protégé

  • Les actes irréguliers passés moins de 2 ans avant la publicité de l’ouverture de la tutelle peuvent être réduits si l’inaptitude était connue du cocontractant, ou annulés si le majeur a subi un préjudice.
  • Les actes passés après la publicité du jugement seront réduits s’il s’agit d’actes que le majeur pouvait passer seul ou annulé s’il devait être assisté ou représenté pour passer l’acte litigieux.

Les actes irréguliers passés par le tuteur

Si un acte a été passé par le tuteur sans autorisation du juge, il sera annulé d’office.

Délai de prescription de l’action en nullité

L’article 1304 du code civil pose le principe que « Le temps ne court, (…) à l’égard des actes faits par un majeur protégé, que du jour où il en a eu connaissance, alors qu’il était en situation de les refaire valablement. Il ne court contre les héritiers de la personne en tutelle ou en curatelle que du jour du décès, s’il n’a commencé à courir auparavant. »

De plus, il est de jurisprudence constante que la prescription quinquennale (5 ans) de l’action en nullité pour insanité d’esprit est suspendue en cas d’impossibilité pour la personne d’agir (Cass. civ, 1ère du 1er juillet 2009, n° 08-13.518).

De ce fait, un acte litigieux passé par une personne majeure qui ne recouvre pas ses esprits, et dont la mesure est sans cesse renouvelée, pourra potentiellement être remis en cause jusqu’à son décès, moment auquel, les héritiers auront encore 5 ans pour remettre l’acte en cause.

Le régime de la responsabilité

La responsabilité des organes de tutelle

L’article 412 du code civil prévoit que « tous les organes de la tutelle sont responsables du dommage résultant d’une faute quelconque qu’ils commettent dans l’exercice de leur fonction. » et l’article 421 du code civil précise que «  Tous les organes de la mesure de protection judiciaire sont responsables du dommage résultant d’une faute quelconque qu’ils commettent dans l’exercice de leur fonction ».

C’est donc une responsabilité délictuelle qui aura vocation à s’appliquer et ce, quelle que soit la faute commise (même la plus légère). Il suffit que la faute ait causé un dommage aux intérêts du majeur et qu’elle ait été faite durant l’exercice de la mission de protection.

Selon l’article 423 du code civil, l’action en responsabilité se prescrit dans les 5 ans à compter de la fin de la mission de la charge tutélaire.

La responsabilité de l’état

Suivant l’article 422 du code civil, lorsque la faute a été « commise dans l’organisation et le fonctionnement de la mesure de protection par le juge des tutelles, le greffier en chef du tribunal d’instance ou le greffier », l’action du majeur ou de ses héritiers doit être dirigée contre l’État.

Il faudra donc saisir le tribunal administratif pour obtenir réparation.

Le dommage causé par un majeur protégé sous l’emprise d’un trouble mental

L’article 414-3 du code civil prévoit que « celui qui a causé un dommage à autrui alors qu’il était sous l’emprise d’un trouble mental n’en est pas moins soumis à réparation ».

Le majeur protégé peut donc voir sa responsabilité contractuelle, délictuelle et quasi délictuelle soulevée toutes les fois que ses actes causent un préjudice.

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