La sous-location

Le procès mené contre des locataires, pour la sous-location de leur appartement sur le site Airbnb, nous offre l’occasion de revenir sur les principes de la sous-location. La sous-location, c’est comme entrer dans un labyrinthe : Trois grandes lois qui se contredisent, des clauses contractuelles qui peuvent aller à l’encontre de la loi, des possibilités différentes selon que le logement est vide, meublé ou qu’il s’agit d’un logement social….

Bref. Tout est permis ou… interdit. La validité du statut de la sous-location dépend de tant de critères qu’il est conseillé telle Alice de bien s’accrocher au lapin blanc… Ou à son fil d’Ariane… À chacun sa méthode, car autant l’admettre c’est une notion compliquée. La sous-location n’est pas interdite elle est même prévue et autorisée par le code civil dans son article 1717 selon lequel « le preneur a le droit de sous-louer et même de céder son bail à un autre, si cette faculté ne lui a pas été interdite ». La difficulté vient que d’autres critères ont été apportés par les différentes lois régissant la matière du bail d’habitation.

Pour déterminer ce qui est autorisé ou non, il faut tout d’abord vérifier :

  • La date de la conclusion du bail : pour savoir quelle loi aura vocation à s’appliquer, et toutes ne posent pas des mêmes principes.
  • Vérifier le contrat de bail et surtout les clauses qu’il contient car certaines pourront prévoir des dispositions contraires à la loi. Certaines clauses seront valables, et d’autres non.
  • Le type de local d’habitation : Est-il vide ? A-t-il plus de cinq pièces ? S’agit-il d’une location privé, d’un logement social… ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est préférable de rappeler les grands principes de la sous-location.

Les critères légaux de la sous-location

La sous-location est constituée lorsqu’un locataire donne en location tout ou partie la jouissance de son logement en contrepartie du paiement d’un loyer. Il devient alors le bailleur du sous-locataire.

C’est la contrepartie financière qui caractérise la sous-location (Cass. civ., 3ème du 11 mai 1993, n°91-19.252).

De ce fait ne sont pas concernées les personnes hébergées à titre gratuit, les amis, la famille et même des tiers absolus (Cass. civ., 3ème du 14 novembre 2002, n°01-12.558 ; Cass. civ., 3ème du 29 avril 1997, n°95-16721)

SAUF si les clauses du BAIL interdisent la sous-location. Cependant leur validité dépendra des personnes visées.

Validité de la clause envers les tiers

Certaines clauses pourront interdire les sous-locations voire, toute forme d’hébergement même à titre gratuit.

En matière contractuelle « la loi des parties » prime sur la loi. Il suffit que le contrat de bail prévoit une clause stipulant l’interdiction d’héberger un tiers (une personne éloignée, pas personnellement connue), de prêter le logement ou, de sous-louer même sans contrepartie financière, pour que la déchéance ou la résiliation du bail soit prononcée. (Cass. civ., 3ème du 10 mars 2010, n°09-10.412; Cass. civ., 3ème du 26 octobre 2011, n°10-16.694)

Nullité de la clause envers les proches et la famille

Cependant de telles clauses seront déclarées nulles si elles interdisent d’héberger des membres de sa famille ou un proche (Cass. civ., 3ème du 6 mars 1996, n°93-19.262).

Et ce, que l’hébergement soit à titre gratuit (Cass. civ., 3ème du 14 décembre 1994 n° 92-15.129). Ou avec le paiement d’un loyer en contrepartie (Cass. civ., 3ème du 6 mars 1996, n°93-19.262).

Quand il s’agit de la famille, des proches (concubins, amis, petit amis… ) on applique les principes de la Convention européenne des droits de l’Homme qui prévoit dans son Article 8-1 le droit au respect de sa vie privé, au rang desquels s’inscrit la protection du domicile.

Toute clause prévoyant le contraire sera frappée de nullité.

Les textes applicables

Dans son principe la sous-location n’est pas interdite, mais très encadrée. Pour savoir quel texte s’applique il faut déterminer la date à laquelle à été conclu le bail, et lire son contrat de bail (on peut avoir conclu un bail régi par la loi de 1948 même en 2000 !)

Les baux conclus sous la loi de 1948

Selon l’article 78 de la loi de 1948 Modifié par la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986 seront autorisées :

La sous-location partielle :

– Sous-location d’une seule pièce : Aucune autorisation requise, mais il faut en informer le propriétaire par courrier recommandé avec accusé de réception.

– Sous-location de deux pièces : Aucune autorisation requise, mais il faut en informer le propriétaire par courrier recommandé avec accusé de réception.

Cependant cette dernière disposition n’est accordée qu’aux locataires vivant seul, âgé d’au minimum 65 ans, et si leur logement a 5 pièces au maximum (au-delà il faut une autorisation).

La durée de la sous-location est liée à celle du locataire. Si le locataire part, ou que le bail vient à son terme la sous-location cesse également.

Le prix de la sous-location est proportionnel et limité à l’espace loué.

La sous-location de tout le logement

Pour sous-louer tout le logement, il faut une autorisation préalable du propriétaire.

Le locataire doit en faire la demande par lettre recommandée avec accusé de réception.

Si le propriétaire l’y autorise, le sous-locataire bénéficie des mêmes conditions de bail que le locataire.

Si le bail du locataire cesse, la sous-location cessera dans les mêmes conditions.

Les baux conclus sous  la loi de 1989

L’article 8 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose que :

« Le locataire ne peut ni céder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec l’accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer. Le prix du loyer au mètre carré de surface habitable des locaux sous-loués ne peut excéder celui payé par le locataire principal… »

Mais plusieurs hypothèses sont à envisager :

La sous-location d’un logement vide

Il faut l’autorisation préalable du bailleur et l’informer du prix pratiqué.

La sous-location ne sera valide que s’il donne son accord sur ces deux points.

Le principe étant que le locataire ne peut pas être payé plus que le prix fixé au contrat de bail par le propriétaire.

La sous-location d’un logement meublé

Il faut regarder les clauses du contrat de bail.

Si aucune stipulation ne l’interdit expressément, la sous-location du logement meublé sera autorisée.

Si une clause l’interdit, le locataire pourra toujours demander l’autorisation du propriétaire.

Le prix du loyer, payé par le sous-locataire, est libre et sans limite ! (les chambres meublées sont une manne pour les marchands de sommeil).

La seule limite est que la sous-location s’arrête en même temps que la fin du bail ou le départ du locataire.

Les baux conclus sous la loi ALUR de 2014

L’article 8 de la loi de 1989 a été modifié par la loi n°2014-266 dite « ALUR » du 24 mars 2014 et s’applique aux baux conclus après le 27 mars 2014.

Tous les baux signés après le 27 mars 2014

Qu’il s’agisse de logements vides ou meublés, il faut recueillir l’accord écrit du propriétaire sur le principe de la sous-location, mais aussi sur le prix auquel elle est pratiquée. Un montant qui ne peut être supérieur à celui fixé sur le bail.

Dans un souci de protection envers le sous-locataire, le législateur a prévu l’obligation pour le locataire de lui fournir : Un exemplaire du bail et du courrier comportant l’accord exprès du propriétaire.

La durée de la sous-location est liée au bail du locataire. S’il donne son préavis, ou si le bail vient à terme, la sous-location cesse

Le fait que le propriétaire ait donné son accord exprès ne donne aucun droit supplémentaire au sous-locataire (pas de maintien dans les lieux si le locataire quitte le logement…).

Les droits du propriétaire

Il n’en a aucun. Même s’il a consenti à la sous-location, le propriétaire est un tiers absolu aux relations contractuelles (un bail), liant le locataire au sous-locataire.

Le propriétaire ne peut donc pas envisager de procédure d’expulsion envers le sous-locataire. Il devra agir contre le locataire. (Cass. civ;, 3ème du 1er février 2012, n°10-22.863, 10-23.818 et 11-10.027).

De même que s’il arrivait que le sous-locataire avait régulièrement payé son loyer au locataire et que ce dernier ne l’avait pas reversé au propriétaire, le sous-locataire ne pourra se retourner que contre le locataire.

Et si l’expulsion était prononcée, sa bonne foi (le fait qu’il ait payé ses loyers) ne lui permettra pas de rester dans les lieux.

D’où l’intérêt de prévoir un versement direct auprès du propriétaire.

La sous-location des logements sociaux

La sous-location de tout le logement est strictement interdit.

Une exception est prévue au II de l’article 442-8-1 du code de l’action sociale et des familles, selon lequel une partie de l’appartement pourra être sous-loué en faveur d’une personne de :

– moins de 30 ans, dans ce cas, la sous-location ne peut excéder 1 an (renouvelable)

– plus de 60 ans, ou d’une personne handicapée et ce, pour une durée illimitée

Le locataire doit cependant en informer le bailleur social par lettre recommandée avec accusé de réception (penser à y joindre les justificatifs).

En vue de protéger le sous-locataire, le locataire doit lui transmettre le courrier validant l’accord du bailleur et une copie du bail.

L’article L.442-8 du code de la construction et de l’habitation prévoit une amende de 9 000 euros si la sous-location se maintient en dépit d’une interdiction du bailleur social.

À Savoir :

Si la sous location est régulière le sous-locataire pourra bénéficier des APL.

Il est conseillé au locataire qui dans ses rapports avec le sous-locataire se substitue au propriétaire, de souscrire une assurance « recours du sous-locataire » comme le ferait un bailleur.

Concernant le phénomène des expulsions pour cause de sous-location Airbnb

Le phénomène Airbnb agace tant les professionnels du tourisme que les propriétaires.

Concernant ces derniers, il faut savoir qu’au cours de ces dernières années une offensive a été lancée auprès des retraités (ou futurs retraités) pour investir tout ce qu’ils cachaient sous leur matelas, dans l’achat d’un bien immobilier (rien de plus sûr que d’investir dans la pierre…).

Cela leur était présenté comme un placement à long terme qui leur permettrait de bénéficier d’un revenu supplémentaire pour compléter leur retraite réduite à une peau de chagrin.

Et force est de constater que nombre d’entre eux ont investi voire, se sont endettés pour de longues années et à un âge avancé pour assurer leur avenir.

Alors imaginez la consternation de tous ces petits propriétaires en découvrant que leurs locataires gagnent plus d’argent qu’eux sur un bien qui ne leur appartient même pas ! Et plus grave, qu’ils ne peuvent même pas prétendre à une part du gâteau.

Le système est fait de telle sorte que c’est avec le locataire qu’est conclu le contrat. Lui seul peut prétendre au paiement prévu. Une manne que même l’état ne sait pas sous quel angle taxer.

Les propriétaires lancent l’offensive et engagent des procédures d’expulsion.

Mais seront-ils gagnant ? Même acquise pour non respect des conditions de bail, c’est très long une procédure d’expulsion, on ne met pas les gens à la rue si facilement et pour peu que les locataires contestent… « Oui on a mis l’appartement sur le site mais personne n’est venu… »… Et se lancent dans des procédures judiciaires sans fins…

Il faut compter plusieurs mois, voire plusieurs années, durant lesquelles les propriétaires devront eux continuer à payer leurs crédits pour rembourser l’emprunt contracté … pour garder l’appartement.

Et s’ils comptaient sur les loyers pour rembourser le prêt… La situation financière sera vite intenable pour des retraités ayant déjà tout juste de quoi subvenir à leurs besoins.

Et il faudra retrouver de nouveaux locataires, qui sauront se faire plus discrets… À moins que les propriétaires ne se lancent aussi dans le Airbnb et ne mettent leur appartement sur le site.

Après tout, si un ou deux week end paient autant qu’un locataire à demeure, pourquoi pas…

Mais planera toujours le risque que personne ne le réserve pendant plusieurs mois et de faire une croix sur un revenu fixe.

À moins que locataires et propriétaires ne concluent un accord et stipulent dans le bail le partage de ces gains inattendus.

Pour paraphraser Balzac « Un bon arrangement vaut mieux qu’un mauvais procès ».

Car, si sur le fond, le droit donne raison aux propriétaires, pas si sûr que cette bataille judiciaire très longue et très coûteuse contre leurs locataires leur profite vraiment.

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