Au cours d’une vie, il peut arriver que l’on soit victime d’une infraction. Mais, encore faut-il le savoir (I). Une fois cette infraction connue, on souhaite “porter plainte”. Toutefois, malgré le caractère simple et évident de l’expression “porter plainte”, en pratique, la plainte est un mécanisme complet et complexe. Ainsi, nous vous proposons de voir son rôle (II), et son fonctionnement, sans oublier les diverses indemnisations (III). Par ailleurs, nous verrons comment déposer plainte (IV). En effet, il existe une autre voie que celle du commissariat de police.
I) Qui peut porter plainte ?
Toute victime d’une infraction peut porter plainte, même si elle est mineure.
Si elle est mineure, elle peut porter plainte seule, ou accompagnée, ou même laisser un de ses parents porter plainte à sa place. Néanmoins, il lui est conseillé de se faire accompagner pour pouvoir être représenté au cours de la procédure, notamment si elle veut se constituer partie civile afin de voir son préjudice réparé (voir partie III).
Dans le cas où, l’enfant mineur souhaite porter plainte contre ses parents, il peut se présenter seul pour faire un dépôt de plainte. Le juge pourra, le cas échéant, désigner un administrateur ad hoc pour représenter et assister le mineur dans ses démarches.
Une infraction correspond à un comportement prohibé par la loi, sanctionné par celle-ci par une peine. Les différentes infractions en droit français sont inscrites dans le code pénal. Elles correspondent aux contraventions, aux délits, et aux crimes.
Même si certaines infractions sont connues (le viol, le meurtre, les violences, le vol ..), d’autres sont plus complexes à qualifier : en cas de doute, le personnel de gendarmerie ou de police qui recevra la plainte pourra indiquer et éclairer la victime sur le type d’infraction. Vous pouvez par ailleurs faire appel à un professionnel du droit tel que l’avocat.
A noter : Il n’est pas nécessaire de connaître précisément l’auteur de l’infraction : on peut porter plainte contre une personne inconnue (contre X), une personne connue, et même une personne morale (une entreprise par exemple).
Attention : On ne peut pas porter plainte trop tardivement après la commission de l’infraction. En effet, il y a des risques à être trop tardif : plus le temps passe, plus les preuves se détériorent. De plus, après un certain délai dépendant de l’infraction, la loi estime qu’il est trop tard pour poursuivre l’auteur d’une infraction1.
II) Le rôle de la plainte
Informer la justice :
Le rôle premier d’une plainte est d’informer la justice que l’on a été victime d’une infraction, pour déclencher des poursuites contre son auteur.
Vouloir faire condamner l’auteur de l’infraction : Lorsque l’on porte plainte, on souhaite que celle-ci aboutisse à des poursuites pénales. En d’autres termes, on a pour objectif de faire condamner l’auteur de l’infraction, c’est à dire l’auteur du comportement interdit par la loi.
III) Le fonctionnement de la plainte : acte prohibé, protection de la société, sanctions et indemnisations
Un comportement, un acte interdit par la loi a été commis et l’auteur doit être sanctionné :
La plainte concerne les infractions présentes dans le code pénal, c’est à dire un comportement prohibé tels que des atteintes aux personnes (agressions sexuelles, violences diverses, etc.) mais aussi des atteintes aux biens (vols, dégradations etc.). En effet, la loi vient maintenir la sécurité des personnes mais aussi celle des biens.
Société protégée, indemnisation de celle-ci par la sanction de l’auteur :
La personne soupçonnée d’avoir commis l’infraction est opposée à la société, représentée par le ministère public (« Parquet »). Si cette personne soupçonnée est reconnue coupable, selon l’infraction commise, elle pourra être condamnée à une peine de prison, et/où à une peine d’amende versée à l’État.
En effet, en matière pénale c’est la société donc l’État qui est victime. Le droit pénal protège et punit par le biais de la justice un individu qui, en ne respectant pas les règles édictées, a commis une infraction et apparaît comme dangereux vis-à-vis de la société.
À l’inverse, on oppose au droit pénal le droit civil, en ce que le civil concerne, non pas des actes qui nuisent à la société, mais les conflits plus personnels. Par exemple, les contrats, en matière familiale (divorce) ou en matière de responsabilité civile (lors d’un accident de la route).
L’indemnisation de l’individu victime :
Dans certains cas, un comportement interdit qualifié d’infraction peut avoir causé un préjudice personnel (blessures, etc.) à la victime. Ainsi, celle-ci à le droit d’exiger que son préjudice soit réparé. Pour ce faire, selon la situation, il existe plusieurs façons de procéder :
- Utiliser une procédure civile lancée indépendamment de l’action pénale : on demande à la justice civile de statuer sur notre demande d’indemnisation, lors d’une procédure distincte de la procédure pénale visant à condamner l’auteur de l’infraction.
- La constitution de partie civile : Ici, la procédure est déjà lancée, le procureur de la République a lancé des poursuites contre l’auteur de l’infraction. Dans ce cas, il suffit de se signaler aux différentes juridictions (une seule fois au cours de la procédure) au cours de l’enquête et/ou du procès (au juge d’instruction, ou au juge chargé de trancher l’affaire pendant le procès ou au greffier qui s’occupe de l’affaire.)
- La plainte avec constitution de partie civile : Ce cas nécessite que plusieurs conditions soient réunies, notamment qu’aucune poursuite n’ait été décidée par le procureur de la République. En l’espèce, cette deuxième solution va permettre de demander directement au juge de déclencher une enquête et d’y être associé.
Pour de plus amples informations concernant les mécanismes d’indemnisation dont la constitution de partie civile, avec ou sans plainte, n’hésitez pas à aller voir l’article qui y est consacré.
Si le juge vous a accordé une indemnisation en tant que victime par l’une des voies que l’on vient de citer, l’auteur de l’infraction doit alors vous verser une somme d’argent pour venir réparer votre préjudice.
Mais il arrive que celui-ci ne veuille pas verser cette somme. Il se peut même qu’il n’ait pas suffisamment de ressources, ou qu’il n’ait pas d’assurance pouvant régler cette somme qui vous est dûe.
Pour pallier à ces insuffisances de l’auteur (qu’il ne puisse ou ne veuille pas payer), des fonds de garantie ont été créés. Ils se chargeront, sous conditions, de vous indemniser.
Quand et comment actionner un fonds de garantie ?
Pour pouvoir faire une demande auprès d’un des fonds de garantie, vous devez être capable de prouver que l’auteur est soit inconnu, soit qu’il est insolvable (qu’il n’a pas de quoi payer), ou qu’une assurance ne peut pas assurer l’indemnisation (courriers, justificatifs provenant de l’auteur, de la compagnie d’assurance, des relances restées vaines … Un professionnel du droit saura vous accompagner dans ces démarches). En d’autres termes, il faudra prouver que l’auteur ne peut, ou ne veut pas payer l’indemnité qu’il vous doit.
Le processus n’est pas automatique, la victime doit faire la démarche auprès du fonds approprié. De plus, vous n’avez pas à justifier d’une procédure par un huissier de justice pour pouvoir faire une demande à l’un des fonds de garantie.
Il existe des fonds différents en fonction de l’infraction subie. Il faut être vigilant aux conditions exigées par chaque fonds de garantie, et vérifier à quel fonds correspond notre préjudice.
Pour plus d’informations, et pour déterminer devant quel fonds vous devez faire une demande, vous pouvez vous rendre sur le site du fonds de garantie : http://www.fondsdegarantie.fr/.
À titre d’exemple, il existe la commission d’indemnisation des victimes d’infraction (Civi). Un formulaire est disponible en ligne, il s’agit du Cerfa n°12825*03 (https://www.formulaires.modernisation.gouv.fr/gf/cerfa_12825.do).
Attention aux délais : Les délais pour saisir un fonds de garantie diffèrent selon ceux-ci. À titre d’exemple :
- Pour la CIVI, la Commission d’indemnisation des victimes d’infraction : 1 an maximum à partir de la date à laquelle le tribunal pénal a rendu sa décision qui est devenue définitive.
- Pour le SARVI, le service d’aide au recouvrement des victimes d’infraction : vous devez donc attendre 2 mois après la décision rendue (c’est le délai laissé à l’autre partie pour vous payer), et vous devez faire une demande dans un délai maximum de 1 an à partir de la date à laquelle la décision est devenue définitive (c’est-à-dire qu’il n’y a plus de voies de recours possible)
- Pour le FGTI, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions : vous pouvez agir dans un délai de 10 ans à partir de la date de l’acte terroriste commis en France
Attention : Ne pas confondre plainte et main courante
Le rôle et l’intérêt de la main courante : Consigner des faits. Une main courante permet de consigner des faits qui peuvent être sans gravité mais que l’on estime suffisamment importants pour être relevés et en garder une trace. En d’autres termes, elle ne sert qu’à démontrer qu’à une date et une heure certaines, une personne s’est présentée et a parlé de certains faits. Elle n’a pas de force probante, c’est à dire que les faits mentionnés ne sont pas réputés réels. En effet, tout fait, même mensonger, peut être rapporté par ce biais.
Par exemple, lorsque son conjoint quitte le domicile conjugal. Elle permet de dater les faits, et d’en conserver une preuve, si par la suite une plainte venait à être déposée et déclencherait des poursuites.
La personne concernée par la main courante n’est pas informée de celle-ci, sauf si les faits constituent une infraction. On parlera alors de dépôt de plainte.
Où déposer une main courante :
On peut déposer une main courante dans un commissariat de police, ou une brigade de gendarmerie 2. . Il est à noter qu’en gendarmerie, il ne s’agit pas d’une main courante mais d’un procès-verbal de renseignements judiciaires (ils ne sont pas habilités à recevoir des déclarations de particuliers). Mais ce procès-verbal à la même valeur qu’une main courante en commissariat. Seule la dénomination change.
Il ne faut pas oublier de demander une copie de ces déclarations, afin de conserver la preuve de la dénonciation de ces faits.
IV) Comment déposer plainte ?
Il existe la procédure de pré-plainte en ligne, qui ne constitue cependant pas une plainte complète (A). Ainsi, pour déposer plainte correctement et entièrement, on peut se rendre au commissariat de police ou au poste de gendarmerie (B). En outre, il est possible de s’adresser directement au procureur de la République (C). Par ailleurs, nous verrons ce qu’il est susceptible d’arriver une fois que la plainte est déposée (D).
A) La procédure de pré-plainte en ligne :
Il existe désormais une procédure en ligne de « pré-plainte » dont nous parlons d’ailleurs dans cet article, lors d’une atteinte aux biens (vol, escroquerie, dégradations …), et que l’auteur des faits n’est pas connu.
Ce dispositif est disponible sur internet, https://www.pre-plainte-en-ligne.gouv.fr/.
Il permet un gain de temps, puisqu’il suffit de se rendre au commissariat ou à la brigade de gendarmerie de son choix pour simplement signer la plainte. Il faut toujours se déplacer, mais il ne sera pas nécessaire d’expliquer les faits, et le risque de se voir refuser sa plainte est écarté.
B) Le plus simple : Se tourner vers le commissariat de police ou le poste de gendarmerie :
Traditionnellement, le dépôt de plainte s’effectue dans une gendarmerie ou au commissariat de police3.
Le ministère de l’Intérieur permet de trouver la brigade ou le commissariat le plus proche de soi : http://www.interieur.gouv.fr/Contact/Contacter-une-brigade-de-gendarmerie-ou-un-commissariat-de-police.
Un procès-verbal sera dressé et remis à la victime, ainsi qu’au Procureur de la République qui décidera d’y donner suite ou pas.
Il s’agit d’un rapport écrit qui retranscrit la déposition et les faits rapportés. Il permet à la victime d’apporter la preuve que l’autorité publique a reçu sa déposition.
C) Il est possible de s’adresser directement au procureur de la République :
En cas de crainte que le dépôt de plainte soit mal pris, voire refusé, ou que l’on ne souhaite pas se rendre dans un commissariat ou dans une brigade de gendarmerie (par exemple par soucis d’intimité), il est possible de s’adresser directement au Procureur de la République4.
Cela permet de contacter directement l’autorité qui décidera du sort à donner à la plainte, et qui pourra ordonner, s’il l’estime pertinente, une enquête.
Comment s’adresser au procureur de la République pour porter plainte :
Il faut écrire, sur papier libre (un formulaire spécial n’est pas nécessaire, une simple feuille suffit), au Procureur de la République du Tribunal de Grande Instance, soit du lieu de commission de l’infraction, soit du domicile de l’auteur de celle-ci. Le tribunal du lieu de commission reste le plus simple, car on sait où cela s’est produit, et l’auteur n’est pas toujours connu.
Les coordonnées sont disponibles sur l’annuaire de la justice, http://www.annuaires.justice.gouv.fr/annuaires-12162/annuaire-des-tribunaux-de-grande-instance-21768.html.
Cette lettre doit indiquer, obligatoirement :
- Son état civil et ses coordonnées complètes
- Les faits précis de l’infraction
- La date et le lieu de l’infraction
- Le nom de l’auteur s’il est connu
- Le(s) nom(s) et coordonnées des témoins de l’infraction
- Le préjudice subi
- Les preuves existantes (certificat médical, factures …)
- Ne pas oublier de dater et signer la plainte
Attention : Il est préférable que cette lettre soit rédigée avec l’aide d’un professionnel du droit, d’un avocat, afin d’être précis et de ne rien oublier. (Fournir un exemple/formulaire pdf)
Il est vivement conseillé d’envoyer sa plainte en recommandé avec avis de réception, même si cela n’est pas obligatoire. En effet, grâce à la signature et la date apposées sur l’avis de réception, il sera possible d’apporter, au besoin, la preuve que la plainte a bien été reçue par le Procureur de la République.
D) Les suites au dépôt de plainte : acceptation, refus, retrait…
Lorsque la plainte est prise en compte, un récépissé5 sera remis à la personne qui a effectué le dépôt de plainte. Ce récépissé sera, par exemple, remis par l’officier de police si la plainte a été déposée dans un commissariat. C’est un document écrit qui va certifier qu’elle a été reçue. La plainte est valable, et donc recevable, dès lors que les faits dénoncés constituent une infraction pénale (pour le refus, renvoi en dessous).
Déposer une plainte ne veut pas dire qu’elle aboutira forcément :
Déposer une plainte ne veut pas forcément dire qu’elle aboutira sur une condamnation, ou qu’elle donnera suite à des poursuites. En effet, toute plainte arrive devant le Procureur de la République et celui-ci peut estimer qu’il n’y a pas lieu à ordonner une enquête pour les faits dénoncés dans celle-ci (ex: les faits ne constituent pas une infraction pénale).
Seul le Procureur de la République peut décider des suites à donner à la plainte 6 (poursuites pénales ou classement sans suite).
Les conséquences d’un retrait de la plainte de votre part :
Vous pouvez retirer votre plainte à tout moment.
Par principe, retirer votre plainte n’aura pas d’incidences : une fois que le procureur de la République a été informé des faits commis, il pourra décider de poursuivre l’auteur des faits, quand bien même vous auriez décidé de retirer votre plainte. En effet, si une atteinte a été commise envers la société (non respect d’une règle pénale), il est tout à fait normal qu’il veuille, et puisse, poursuivre l’auteur de cette atteinte.
Cependant, dans certains cas précis, le Procureur de la République, en cas de retrait de plainte, ne pourra plus poursuivre :
- Si l’infraction est une injure, ou une diffamation
- Si cela concerne une atteinte à la vie privée 7 (enregistrer des images personnelles sans accord, etc.)
Suivi du traitement de la plainte : Il est possible en contactant le Procureur de la République. Il indiquera les suites données aux faits dénoncés. Pour ce faire, il faut en faire la demande par courrier. Il vous faudra indiquer le numéro de dossier attribué lors du dépôt de la plainte, ainsi que la date de la plainte et contre qui elle est adressée, en précisant que vous n’êtes pas informé à ce jour de sa décision concernant les faits que vous avez dénoncé. Vous trouverez ses coordonnées dans cet annuaire : http://www.annuaires.justice.gouv.fr/annuaires-12162/annuaire-des-tribunaux-de-grande-instance-21768.html.
La réponse vous sera donnée par courrier.
En cas de refus lors du dépôt de la plainte
En principe, on ne peut pas refuser un dépôt de plainte 8. Les policiers (ou gendarmes) sont tenus d’apprécier si les faits rapportés constituent réellement une infraction, mais ils ne peuvent pas refuser la plainte dès lors que l’infraction existe.
Si le commissariat ou la gendarmerie refusent malgré tout de recevoir la plainte, tout autre commissariat ou brigade peut la recevoir. Il est également possible, comme nous l’avons mentionné plus haut, de s’adresser directement au Procureur de la République, voire de contacter un avocat qui saura effectuer les démarches nécessaires.
En outre, on peut signaler ce refus au Défenseur des droits : http://www.defenseurdesdroits.fr/fr/saisir-le-defenseur-des-droits
- Ces délais correspondent aux délais de prescription, aux articles 7 et suivants du CPP : pour une contravention (dégradations légères…), le délai est d’1 an. Pour les délits (vol, escroquerie, violences volontaires…), le délai est de 6 ans. Pour les crimes (viol, meurtre, violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner…), le délai est de 20 ans. ↩
- Article 15-3 Code de procédure pénale. ↩
- Article 15-3 Code de procédure pénale. ↩
- Article 40 Code de procédure pénale. ↩
- Article 15-3 Code de procédure pénale. ↩
- Article 40 et suivants Code de procédure pénale. ↩
- Article 226-6 du code pénal. ↩
- Article 15-3 Code de procédure pénale. ↩