Répression de la violence au sein du couple

L’édifice législatif qui encadre et réprime les violences au sein du couple a mis plusieurs années avant de se mettre en place.

Pendant longtemps seules certaines dispositions permettaient d’éloigner l’époux violent :

  • L’article 212 du code civil impose le respect entre époux, c’est à ce titre que toutes formes de violences verbales ou physiques seront constitutives d’une faute en cas de divorce.
  • L’article 257 du code civil et 1106 du code de procédure civile permettent au JAF de prendre des mesures d’urgences dès la requête initiale et autoriser l’époux victime de violence de quitter le domicile conjugal avec ses enfants.

Curieux article qui au lieu de protéger l’époux victime en obligeant le conjoint à quitter le logement ne laissait d’autre choix à l’époux violenté que de fuir avec ses enfants sous le bras. Autre difficulté, cet article ne protège pas plus les concubins que les partenaires Pacsés.

Toujours en vigueur, cet article 257 du code civil sert aujourd’hui à autoriser les époux à vivre séparément.

Mais il n’y avait rien de réellement efficace pour protéger un conjoint, que ce soit l’homme où la femme, victime de violence.

Dans le cadre de la réforme du divorce le législateur a donc créé « le référé violence » dans un article 220-1 alinéa 3 du code civil, qui comme tout texte conçu à la hâte s’est avéré totalement inefficace, voire contre productif. Les conjoints victimes non mariés n’étaient toujours pas concernés, et donc pas protégés et, cerise sur le gâteau, son exécution nécessitait le recours à la force publique … Bref il a été abrogé.

Il faudra attendre la loi n°2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux « violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein du couple et aux incidences de ces dernières sur les enfants », et le décret n°2010-1134 du 29 septembre 2010 relatif à « la procédure civile de protection des victimes de violences au sein du couple » codifiés aux articles 515-9 et suivants du code civil pour que s’instaurent des mesures sérieuses.

L’ordonnance de protection du JAF

La principale mesure est la création d’une ordonnance de protection délivrée en urgence par le JAF toutes les fois « au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commissions des faits de violence allégués et le danger auquel la victime est exposée ».

  • Le bon point : Cette fois on passe de l’époux au conjoint. Cela veut dire que le texte s’applique non seulement à tous les couples, mariés, pacsés ou en concubinage, mais aussi à tous les anciens conjoints revenus hanter leurs « ex ».
  • Les mauvais points : Seules les femmes sont protégées, mais ce qui chagrine les juristes reste que ces nouveaux pouvoirs donnés au JAF, juge civil, empiètent sur le pénal et, autre problème de taille, le terme de « violences vraisemblables » suppose que l’auteur n’a pas été jugé et donc qu’il est présumé innocent au moment où l’ordonnance va être rendue.

Bon, le législateur est sur la bonne voie, mais il doit revoir une fois de plus sa copie.

Et cela n’a pas échappé à la Cour européenne des Droits de l’Homme qui en 2013, à rappelé aux États membres qu’il leur appartenait de garantir l’effectivité des mesures de protection des victimes.

Ce sera fait avec la loi n°2014-873 du 4 août 2014 pour « l’égalité réelle entre les femmes et les hommes » qui complète et parachève le dispositif législatif initié avec la loi de 2010.

Sont concernées les violences physiques et/ou psychologiques de toute nature, qu’elles soient exercées devant les enfants, de nature sexuelles, accompagnées d’insulte, de menaces contre la victime ou contre les enfants, de chantage, de harcèlement… Mais aussi économiques, c’est le fait de s’accaparer toutes les finances du ménage, de détenir tous les moyens de paiement…

Avec l’ordonnance de protection dont le délai de validité passe de 4 à 6 mois, le JAF peut prendre des mesures :

D’ordre pénal :

  • Ordonner l’éviction du domicile de l’auteur des violences
  • Interdire à l’auteur des violences d’entrer en contact avec la victimes
  • Interdire à l’auteur des violences de porter une arme
  • Ordonner la remise de l’arme au greffe
  • Interdire à l’auteur de violence de rencontrer certaines personnes
  • Autoriser la victime à dissimuler son adresse (elle pourra être domiciliée chez son avocat ou auprès du procureur de la République…)
  • Ordonner au conjoint violent de suivre un stage de responsabilisation

Et civil :

  • Statuer provisoirement sur la résidence des enfants et sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale.
  • Prononcer la privation des droits parentaux sur le fondement de l’article 373-2-11 du code civil
  • Fixer le droit de visite dans des lieux médiatisés
  • Interdire la sortie de territoire d’un enfant sur le fondement de l’article 373-2-6 du Code civil
  • Fixer une contribution aux charges du mariage ou sur l’aide matérielle au sens de l’article 515-4 du code civil pour les partenaires pacsés.

Les dispositions spécifiques protégeant le conjoint victime

Le sort du logement du couple

Des mesures protectrice concernent la protection et l’attribution du logement au conjoint victime et ce, que le conjoint violent soit propriétaire ou locataire du logement. Dans ce dernier cas, le bail locatif peut être transféré au nom du conjoint victime avec une participation mise à la charge du conjoint violent.

Quand l’expulsion de l’auteur des violences est ordonnée et qu’il ne quitte pas le domicile de son plein gré, il pourra y être contraint après un commandement de quitter les lieux délivré par huissier (article L.411-1 du code des procédures civiles d’exécution). Les dispositions protectrices en matière d’expulsion, telle la trêve hivernale… n’auront pas lieu de s’appliquer et le JEX sera incompétent pour lui accorder des délais.

Le dispositif d’un téléphone « Grand danger »: le TGD

Les victimes de violences peuvent bénéficier d’un téléphone portable spécial muni d’une touche avec un numéro de téléphone préprogrammé qu’il suffit d’actionner pour être en relation avec un centre d’appel dédié et qui permet d’être géolocalisé par les forces de l’ordre. Ce qui, en cas de menace permettra à la victime d’être secourue où qu’elle se trouve.

Ce dispositif judiciaire, en cours de déploiement sur tout le territoire, est mis en place par le procureur de la République pour 6 mois renouvelables aux victimes qui ont cessé toute cohabitation avec le conjoint violent.

Les victimes de nationalité étrangère

Les femmes étrangères bénéficiant d’une ordonnance de protection auront la possibilité de bénéficier du renouvellement automatique de leur titre de séjour

L’article 313-12 du code l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit qu’en cas de violences conjugales commises avant la délivrance du premier titre de séjour, il sera délivré à la victime une carte de séjour temporaire.

Si les violences surviennent au cours de la communauté de vie, les articles L.431-2 et L.313-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, précisent que cela n’entraîne pas le retrait de la carte de séjour, ni le refus du renouvellement de ce titre.

Si la victime est en situation irrégulière, l’article L. 316-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit la délivrance d’une carte de séjour temporaire portant la mention “ vie privée et familiale” sans condition de communauté de vie voire, la régularisation de plein droit avec la délivrance d’une carte de résidence de 10 ans.

Les personnes majeures menacées de mariage forcé pourront également bénéficier d’une ordonnance de protection.

L’ensemble de ces mesures permettent d’encadrer toutes les violences au sein du couple tant en termes de prévention de protection que de répression.

La demande d’une ordonnance de protection

Pour obtenir une ordonnance de protection il faut saisir le JAF par voie de requête ou d’assignation. Dans les deux cas il conviendra de préciser au juge (qui est lié par la demande) quelles sont, parmi toutes les dispositions légales, les mesures dont elle entend bénéficier.

Par requête

La requête permet de saisir le tribunal qui ensuite convoquera le défendeur (l’époux violent).

La requête doit contenir un exposé sommaire des motifs à l’appui de la demande et de tout documents démontrant la gravité et l’urgence de la situation (certificats médicaux, mains courantes, dépôt de plaintes…).

Le secrétariat-greffe convoquera les parties par lettre recommandée avec accusé de réception ainsi que le service civil du Parquet qui doit toujours être informé de la tenue des audiences pour des faits de violences entre conjoints.

Par assignation

Avec l’assignation en la forme des référés (situation d’urgence), c’est à l’avocat de demander une date au secrétariat-greffe et de faire citer le défendeur par huissier de justice au minimum 15 jours avant la date fixée.

Toutes les pièces et les arguments en fait et en droit devront être annexés à l’ordonnance dans le respect du principe du contradictoire.

L’article 1136-5 du code de procédure prévoit que l’adresse de la victime soit dissimulée sur tous les actes de procédures. Seule l’adresse de son avocat ou du procureur de la République auprès desquels il élit domicile apparaîtra.

L’audience

L’audience contradictoire suit les règles de la procédure orale.

Les parties pourront donc se présenter sans être assistées d’un avocat. Cependant tant pour la victime qui pourrait avoir des difficultés à se défendre seule (crainte d’être seule face au conjoint violent, d’exposer sa situation, de démontrer l’urgence…) ; que pour le défendeur qui encourt une sanction pénale avec inscription sur son casier judiciaire, l’assistance d’un avocat est fortement recommandée aux deux parties.

La victime peut, sur demande, être entendue seule par le juge si elle éprouvait de la peur ou de l’appréhension à se retrouver face à son conjoint.

Le Ministère public est partie à la procédure et rend un avis qui sera lu en début d’audience.

Il peut dès l’assignation recueillir tous les éléments nécessaires sur le défendeur afin de savoir s’il y a des antécédents des affaires en cours. Il peut aussi demander qu’une confrontation ait lieu avant l’audience.

L’office du JAF

L’article 515-11 du code civil définit l’action du juge en précisant quels critères doivent être réunis pour délivrer une ordonnance de protection :

« L’ordonnance de protection est délivrée, dans les meilleurs délais, par le juge aux affaires familiales, s’il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés ».

La vraisemblance des faits allégués :

Cette notion de « vraisemblance » est peu compatible avec le Droit qui ne se conçoit qu’en termes de faits avérés, démontrés, prouvés… et non hypothétiques. La difficulté étant de courir un risque de manipulation, d’instrumentalisation ou d’altération de la vérité. Un risque que le législateur a estimé admissible face à l’urgence et la gravité des situations subies par les victimes de violences conjugales.

La vraisemblance signifie qu’à défaut d’être certains les faits doivent être crédibles. Il s’agira :

De certificats médicaux, plu il y en aura et plus la vraisemblance sera démontrée. Il faut privilégier les certificats médicaux établis par des médecins habilités (service UMJ – unité médico-judiciaire) faisant état de l’incapacité totale de travail (ITT supérieure ou inférieure à 8 jours) qui auront plus de valeur que ceux délivrés par le médecin traitant.

Les plaintes, mêmes retirées et les mains courantes passées au commissariat ou à la gendarmerie.

En principe, les mains courantes doivent faire l’objet d’une visite différée des forces de l’ordre au domicile de la victime.

Les attestations de proches, de voisins, des SMS et la liste des appels en cas de harcèlement…

Dans une décision du 2 juin 2015, (Cass. Crim, 2juin 2015 n° 14-85.130) la cour de Cassation a admis le témoignage des enfants en matière de violence au nom du principe de la liberté de la preuve.

Rappelons que selon l’article 205 du code de procédure civile « les descendants ne peuvent jamais être entendus sur les griefs invoqués par les époux à l’appui d’une demande en divorce ou en séparation de corps ».

Cependant, et c’est toute la spécificité des violences conjugales, elles sont poursuivies et sanctionnées à la fois sur le plan civil et pénal. Dans cette espèce les époux étaient certes en procédure de divorce, mais les juges ont estimés que s’agissant de violences conjugales, poursuivies au pénal, rien ne pouvait entraver la liberté de la preuve conformément à l’article 427 du code de procédure pénale, et a donc admis le témoignage de leur enfant.

Le danger

Le danger doit être réel, actuel et imminent.

Il ne doit pas s’agir d’une simple crainte de même que les faits ne doivent pas être trop anciens, ou isolés… Il conviendra de démontrer l’urgence à partir de faits qu’il appartiendra au juge d’apprécier.

Après avoir entendu toutes les parties, le JAF rendra son ordonnance sur le siège (après avoir entendu les parties), ou à très bref délai, (en général dans les heures qui suivent).

Les voies de recours

L’ordonnance de protection est susceptible d’appel dans les 15 jours de sa notification par huissier de justice. L’audience devra avoir lieu à bref délai.

L’ordonnance de protection est exécutoire de droit à titre provisoire et devra de ce fait s’appliquer durant les voies de recours. Seul le premier président de la Cour d’appel saisi en la forme des référés peut en suspendre les effets.

Si le défendeur est reconnu coupable de faits de violence n’exécute pas les mesures prises à son encontre est passible des sanctions prévues à l’article 227-4-2 du code pénal, à savoir, 2 ans d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.

À savoir : Selon les derniers chiffres, en 2011, près d’un tiers des demandes est rejeté pour défaut de preuve.

Les autres motifs de refus sont : preuve équivoque – absence de danger, violences anciennes, époux ayant déjà quitté le domicile conjugal – preuves insuffisantes sur l’état de danger – violences anciennes – absence d’un danger actuel ou imminent.

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