Requalification d'un contrat de distribution en contrat de travail

Les critères classiques de requalification

L’existence d’un lien de subordination

Le contrat de travail suppose l’existence d’un contrat dans lequel le salarié est subordonné à l’employeur, effectue pour le compte de ce dernier un travail effectif et perçoit en contrepartie une rémunération en espèce ou en nature.

Le lien de subordination, critère distinctif du contrat de travail, s’entend d’un rapport de pouvoir. La Cour de Cassation définit matériellement ce lien comme l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Juridiquement, le lien de subordination s’entend principalement de l’intégration du travailleur dans un service organisé. Cette intégration est avérée lorsque :

  • Le matériel est fourni par l’employeur,
  • Les horaires et le lieu de travail du salarié sont définis par l’employeur,
  • Le salarié lui rendre compte de l’avancement de son travail.

La distinction du contrat de travail avec le contrat de distribution porte essentiellement sur l’absence dans ce dernier d’un lien de subordination vertical. La qualification de subordination est parfois dépendante de la répartition des risques entre l’employeur et le salarié.

Requalification d'un contrat de distribution en contrat de travail
Requalification d’un contrat de distribution en contrat de travail

L’indice de la répartition des risques

Dès 1976, la Cour de Cassation considère que la qualité de salarié est octroyée aux personnes qui ne travaillent pas « pour leur propre compte, mais pour celui de la société qui les emploie, dans le cadre d’un service organisé, et selon des directives générales imposées par elle, qui assume les risques et le profit de l’entreprise ».

Il est d’une jurisprudence constante que la non-participation aux pertes vient conforter la constatation d’un pouvoir ou l’intégration dans un service organisé.

L’indice de la répartition des risques constitue en principe un critère fiable de distinction entre contrat de distribution et contrat de travail dès lors que le distributeur supporte personnellement les risques de son activité, contrairement au salarié.

La difficulté pour le distributeur, comme pour tout travailleur autonome indépendant, est de pouvoir être soumis au pouvoir d’un fournisseur tout en prenant à sa charge les risques de l’entreprise. Dans cette hypothèse, le recours au critère de la répartition des risques ne permet pas de démontrer l’existence d’un lien de subordination.

Un nouveau critère moderne a donc été créé par le législateur.

Le critère moderne de requalification

Définition

L’article L.7321-1 du Code du travail fait application du présent code aux gérants de succursales, tel que définis à l’article L7321-2.

Aux termes du 2° de cet article, il s’agit des personnes « dont la profession consiste essentiellement, soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, soit à recueillir les commandes ou à recevoir les marchandises à traiter, manutentionner ou transporter, pour le compte d’une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise ».

Le champ d’application quant aux personnes

La Cour de Cassation est venue préciser le champ d’application de ce texte quant aux personnes qui peuvent l’invoquer. Le texte profite aux gérants, aux apprentis, aux ouvriers, employés et travailleurs, mais aussi aux propriétaires de fonds de commerce, aux concessionnaires ou distributeurs exclusifs ainsi qu’à certains franchisés, y compris lorsqu’il s’agit de franchises de service.

Les conditions de mises en œuvre

Les conditions posées par l’article L7321-2 du Code du travail expriment l’idée d’un assujettissement du « gérant » à une entreprise principale. La fixation des conditions de travail par celle-ci se rapporte à l’exercice d’un pouvoir, lui permettant d’imposer certaines modalités de l’exercice de l’activité et rappelle l’autorité exercée par l’employeur sur le salarié.

De même, la fourniture du local par l’entreprise évoque les indices retenus pour reconnaitre le lien de subordination juridique, sans qu’il soit nécessaire de faire référence à l’intégration dans un service organisé. Enfin, le prix imposé par l’entreprise principale exprime l’impossibilité pour le gérant de pratiquer une politique personnelle, lui permettant de fixer lui-même une marge bénéficiaire .

La nature du contrat

Si la loi fait application des dispositions du Code du travail aux distributeurs qui remplissent les conditions énoncées, elle ne confère pas à ces derniers la qualité de salarié. Ces professionnels sont simplement assimilés à des salariés. Cette technique permet de s’affranchir totalement de la qualification de contrat de travail et donc de requérir la démonstration d’un lien de subordination.

Le professionnel partie à un contrat de distribution pourra donc se voir appliqué le droit du travail sans avoir à prouver sa subordination au fournisseur. Faut-il pour autant parler de requalification du contrat de distribution en contrat de travail ? L’importance de la question est toute relative dès lors que la qualification donnée au contrat par les parties ne lie pas le juge et n’influe pas sur l’application des dispositions du Code du travail au distributeur lorsque ce dernier remplie les conditions posées par l’article L.7321-2 de ce Code.