Le régime matrimonial primaire

Prévu aux articles 212 à 226 du code civil le régime matrimonial primaire encadre « les devoirs et les droits respectifs des époux ».

Il ne doit pas être confondu avec le régime légal de la communauté qui s’appliquera d’office toutes les fois que les époux n’auront pas conclu de contrat de mariage.

Le régime primaire est le droit commun des régimes matrimoniaux. Il fixe des règles de base, impératives, qui auront vocation à s’appliquer à tous les époux, même ceux de nationalités étrangères, et ce, quel que soit le régime matrimonial auquel ils sont soumis (régime légal de la communauté, séparation de biens…).

Il fixe entre les époux le sort des charges du mariage, des dettes, des biens communs dont le logement familial, et régit les relations sociales, économiques et contractuelles nouées avec des tiers (employeur, banquier, bailleur…).

La particularité du régime primaire est qu’il protège l’indépendance de chacun des époux au sein du couple tout en renforçant leur solidarité envers les tiers par le mécanisme de la représentation.

Dès lors, peu importe l’époux qui agit, achète, vend, loue, contracte… il sera, sauf exception, toujours supposé agir au nom et avec l’accord de son conjoint.

Ce principe de la représentation s’appliquera tant pour la gestion de leurs biens et de leurs comptes communs que pour l’exercice d’une activité pratiquée en commun.

La gestion des biens communs

Le régime primaire auquel sont soumis les époux ne réduit pas les droits que chaque époux dispose sur ses biens propres. L’article 225 du code civil « Chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels ».

Les biens meubles qu’ils possèdent en commun sont gérés sous le mode de la représentation. L’article 222 du code civil pose le principe d’une présomption de mandat accordant à chaque époux le droit d’agir seul.

Un époux pourra par exemple vendre, louer et même donner un bien meuble sans avoir à démontrer qu’il l’a acheté avec ses propres deniers, ni produire l’autorisation de son conjoint pour effectuer la transaction. Cela vaut pour les biens meubles de toutes natures : bicyclette, tondeuse à gazon, voiture…

Tout… Sauf les meubles meublants, c’est à dire, les « meubles » utilisés par la famille, tel que : Le mobilier (sofa, lits, tables, buffet…); les électroménagers (réfrigérateur, laveuse, cuisinière…); les appareils électriques (cafetière, grille-pain, four à micro-ondes…); les appareils électroniques (ordinateur, télévision, chaîne stéréo..); et les œuvres d’art (portrait, tableau, sculpture…)…

Ces meubles bénéficient par extension de la même protection que le logement familial (sauf s’ils garnissent une résidence secondaire). Donc, même s’ils appartiennent en propre à l’un des époux, ce dernier n’aura pas le droit d’en disposer sans l’accord exprès de son conjoint.

Mais dans les faits, l’article 215 alinéa 3 du code civil n’impose l’accord des deux époux que pour les actes de disposition (vente d’un immeuble). Donc, même s’il s’agit de meubles meublants « protégés » il faut savoir qu’un époux n’est pas tenu de prouver que son conjoint a consenti à la transaction puisque… la présomption de représentation s’appliquera ici aussi.

Un époux pourra donc vendre tous les meubles de la maison, il sera toujours supposé agir avec l’accord de son conjoint, et cette présomption jouera avec tous les biens incorporels (titres au porteur, numéraire…).

L’époux qui n’avait pas consenti à la vente pourra se retourner contre son conjoint et engager sa responsabilité. Il pourra également agir contre l’acquéreur du bien s’il parvient à démontrer sa mauvaise foi, (c’est-à-dire, prouver qu’il savait que l’époux ne pouvait pas lui vendre un bien sans l’autorisation du conjoint).

La sanction sera la nullité de la vente.

La gestion des gains et salaires

La loi du 23 décembre 1985 permet aux époux de disposer librement de leurs salaires dans la limite des charges du mariage. Ce n’est donc qu’après s’être acquittés des charges courantes inhérentes à la vie de famille que chacun des époux pourra librement utiliser ce qui reste de ses revenus.

Le principe est qu’une fois qu’il s’est acquitté de ses charges, l’époux peut faire ce qu’il veut de son argent, c’est l’application stricte de l’article 223 du code civile.

À noter : En matière de saisissabilité des revenus d’un époux, le régime primaire prévoit que « Les gains et salaires d’un époux ne peuvent être saisis par les créanciers de son conjoint que si l’obligation a été contractée pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants conformément à l’article 220 du code civil.

Les gains et salaires d’un époux pourront également être saisis pour rembourser un contrat de prêt auquel il avait donné son consentement (quand il se porte caution).

La gestion d’un compte commun

Selon le principe posé à l’article 221 du code civil chacun des époux dispose d’une autonomie financière.

Ils peuvent librement ouvrir un compte auprès d’une banque (banque de dépôt, compte courant, compte de titres, y compris CCP, Caisse d’épargne…) en leur nom personnel ou à leurs deux noms : C’est le compte joint (il ne peut y avoir de compte joint pour l’ouverture d’un PEL, PEA, ou d’un Livret A)

De tels comptes ouverts au nom de « Monsieur ou Madame » sont très pratiques pour le paiement des charges courantes, des emprunts, crédits immobiliers… Chaque époux peut de sa propre initiative effectuer toutes les opérations qu’il souhaite.

Le compte joint et toutes les opérations bancaires afférentes (dépôt, retrait d’argent, chèques, carte bleues une par personne…) sont soumises à la présomption de représentation : Chaque opération est supposée avoir eu lieu avec le consentement de l’autre époux.

Peu importe qui l’a ouvert et qui y dépose des fonds, chacun des époux aura la libre disposition des fonds sans avoir à se justifier : C’est la solidarité active.

De même que, peu importe quel époux vide le compte, son conjoint sera tenu de répondre des dettes en cas de découvert ou d’émission de chèque sans provision : C’est la solidarité passive.

À noter : En cas dissolution du mariage (décès ou divorce) la présomption de représentation ne cesse pas de plein droit et continuer de fonctionner au nom des deux ex-conjoint jusqu’à sa fermeture.

Et la fermeture d’un compte joint n’est pas aussi simple que son ouverture.

La collaboration professionnelle des époux

Prévue à l’article 223 du code civil pose le principe du libre exercice d’une profession à chacun des époux.

Mais ce qui nous préoccupe ici, concerne la situation de l’époux qui participe à l’activité de son conjoint sans être rémunéré. Au risque de tomber dans la caricature, on pense à la femme du boulanger qui tient la caisse, celle de l’agriculteur qui donne à manger aux poules…

Il ne s’agit pas ici de traiter du problème des cotisations sociales du conjoint collaborateur ni des différents statuts dont il bénéficie, mais d’observer la légitimité et les conséquences des actes de gestion courantes effectués par ce conjoint envers les tiers. Quelle sera la validité des transactions passées avec des fournisseurs ?

La participation du conjoint sera là encore placée sous le régime de la représentation dans trois domaines distincts : Le commerce, l’artisanat et l’agriculture.

La collaboration du conjoint dans une activité commerciale ou artisanale

Le principe est que l’époux qui collabore à l’activité de son conjoint n’aura pas la qualité de commerçant. En effet, la loi du 10 juillet 1982 prévoyait que « Le conjoint d’un commerçant n’est réputé lui-même commerçant que s’il exerce une activité séparée de celle de son époux ». La loi Madelin du 11 février 1994 (décret n°94-738 du 26 août 1994) a étendu ce statut aux conjoints qui exercent en parallèle une activité salariée à temps partiel n’excédant pas 85 heures par mois.

Le conjoint collaborateur bénéficie donc d’un statut particulier car, sans être commerçant lui-même, il pourra exercer tous les actes de commerce au nom et pour le compte de son conjoint.

Le principe est qu’il sera réputé avoir reçu du chef d’entreprise mandat d’exercer tous les actes d’administration nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise. Pour cela il devra être déclaré au registre du commerce et des sociétés (commerçants), au répertoire des métiers (artisans).

Chaque époux pourra mettre fin à cette présomption de mandat par déclaration devant notaire. Elle sera opposable aux tiers 3 mois après que la mention n’ait été portée sur le registre de commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers.

La représentation cessera de plein droit en cas de séparation de corps, de biens (prononcée judiciairement) ou d’absence.

La collaboration du conjoint sur une exploitation rurale

Créé par la loi d’orientation agricole du 4 juillet 1980, modifié par la loi du 22 juillet 1993 et codifié aux articles L321-1 à L321-3 du code rural.

Les conjoints qui « exploitent ensemble et pour leur compte un même fonds agricole » pourront accomplir tous les actes d’administration sur l’exploitation sur la base du mandat tacite et de la représentation.

Le conjoint qui ne fait que collaborer à l’exploitation agricole est toujours supposé avoir reçu mandat de son époux exploitant pour exercer les actes d’administration nécessaire à la gestion du fonds.

Ces principes de représentation auront vocation à s’appliquer quel que soit le régime matrimonial auquel sont soumis les époux et cessera en cas de séparation de corps, de séparation de biens judiciaire, d’absence ou sur « déclaration » du conjoint.

Cette dernière limite, la déclaration, prévoit la faculté pour un époux de mettre fin officiellement à la représentation et à la présomption du mandat accordé au conjoint. Cette possibilité est prévue à l’article 321-3 alinéa 1er du code rural selon lequel «  Chaque époux à la faculté de déclarer son conjoint ».

Cela suppose une déclaration faite par-devant notaire et dûment publiée en marge de l’acte de mariage

À préciser : Le statut de conjoint collaborateur a été étendu aux partenaires de PACS mais pas aux concubins.

La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a créé un véritable statut aux conjoints des membres de professions libérales qui sera étudié plus avant avec les conjoints collaborateurs.

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