Peut-on m'obliger à changer le prénom de mon enfant ?

Le prénom, comme le nom, est immuable. Ce principe posé par la loi du 6 fructidor An II (oui, le 23 août 1794 !) et toujours en vigueur, signifie que les prénoms attribués à la naissance, resteront les mêmes jusqu’à la mort.

Mais comme tout principe, il y a des exceptions.

Et heureusement ! Pensez tous les prénoms qui ont fleuri dans le sillage des séries américaines tels que Sue Ellen, Bobby ou Stringfellow Hawk (Là c’est dur !), sans oublier les nostalgiques d’Alcor, Actarus, Albator…

Avouons-le, avant 1993, vous ne pouviez pas nommer votre enfant comme vous le vouliez. Ce choix était soumis à la bonne grâce de l’officier d’État civil. Il pouvait, s’il l’estimait, vous interdire de donner un prénom ne figurant pas sur le calendrier, ou porté par de grands personnages historiques, en refusant tout simplement de l’inscrire sur le registre. Ensuite, c’était à vous de mener un combat épique devant le juge pour le convaincre d’accepter votre choix.

Tout change avec la loi du 8 janvier 1993 (qui a modifié la loi du 11 Germinal an IX ! Eh oui…. une loi de 1800). Désormais, l’officier d’État civil à l’obligation d’inscrire le prénom de votre choix sur l’acte de naissance. Dans l’absolu, cela signifie que rien ne s’oppose à ce que vous appeliez votre fille « Daenarys du Typhon, mère des dragons, l’imbrûlée… ».

Enfin, a priori ! Car si l’officier d’État civil, votre conjoint(e), ou… votre fille devenue grande, estimaient qu’un tel prénom était trop difficile à porter, ils pourraient bien faire modifier ce prénom qui vous plaisait tant.

Le droit de réserve de l’officier d’État civil

Dans ce cas, il faut supposer que les parents ont choisi un prénom en commun qui ne plaît pas à l’officier d’état civil. Il devra dans un premier temps inscrire le prénom sur le registre de l’État civil, puisque la loi de 1993 lui ôte tout pouvoir d’appréciation, mais il pourra ensuite émettre une réserve qu’il adressera au Procureur.

La réserve n’est fondée que si le prénom choisi est contraire à l’intérêt de l’enfant ou attentatoire au nom de famille d’un tiers (Eh oui, appeler son enfant Rothschild ou de Gaulle est une atteinte au droit patronymique des familles susnommées).

Une fois avisé, le procureur de la République détient seul l’opportunité de saisir ou non le JAF pour le changement de prénom.

La procédure est contentieuse puisqu’elle oppose les parents au procureur de la République qui assignera les parents devant le JAF en la forme des référés ou sur requête (le procureur ne dispose pas de procédure particulière pour saisir le JAF).

Le changement de prénom suite au désaccord entre parent

Eh oui, l’autre parent voulait Ernestine, le prénom de sa grand-mère et Game of Throne c’est pas son truc…

Le prénom est un attribut de l’autorité parentale, cela signifie qu’en cas d’exercice conjoint de l’autorité parentale un parent peut prendre seul certaines décisions (dont le choix du prénom), l’accord de l’autre parent sera toujours présumé jusqu’à ce qu’il manifeste son désaccord.

Le parent mécontent pourra saisir le JAF de préférence par requête en la forme des référés, car le prénom en termes d’identification d’un individu est une difficulté qui doit être tranchée très rapidement.

La procédure est orale, donc l’office d’un avocat n’est pas obligatoire.

Le jugement rendu par le JAF n’est pas assorti de l’exécution provisoire (On ne changera l’État civil de l’enfant qu’à l’obtention d’une décision définitive).

Il pourra être fait appel de la décision 1 mois à compter de sa notification.

A savoir : Le choix du prénom de l’enfant étant un attribut de l’autorité parentale, le juge compétent sur le choix du prénom sera le JAF qui pourra :

  • soit entériner le choix du prénom,
  • soit estimer qu’il est contraire aux intérêts de l’enfant.

A défaut d’accord avec les parents sur un autre prénom, il attribuera d’office un autre prénom et supprimera le prénom non conforme sur les registres de l’état civil.

La mention de la décision figurera en marge des actes de l’état civil de l’enfant.

Un prénom non conforme à l’intérêt de l’enfant signifie qu’il comporte une consonance péjorative, ridicule, complexe ou grossière.

Cas où le JAF ne sera pas compétent en matière de changement de prénom :

– Dans le cadre d’une adoption plénière. C’est le juge du TGI qui modifiera le prénom de l’enfant pour faciliter son intégration au sein de sa nouvelle famille.

– Dans le cadre d’un changement de nationalité. Pour faciliter son intégration à la communauté, l’intéressé pourra, dans l’année de l’octroi de la nationalité française, demander la francisation de son prénom par décret (loi du 25 octobre 1972). Une fois l’année écoulée, le juge compétent sera le JAF.

Le changement de prénom à l’initiative de la personne intéressée

Attention la réforme de la justice du XXI ème siècle prévoit de confier à la mairie du lieu de naissance, et non plus au JAF,  le traitement des demandes de changement de prénom. Il appartiendra à l’officier d’Etat civil qui estime la demande non légitime ou que le prénom choisi est contraire à l’intérêt de l’enfant de saisir le procureur de la République qui en dernier lieu pourra décider de saisir le JAF.

Avec cette nouvelle loi, seules les contestations seront soumises au JAF.  Des précisions seront apportées avec la parution des textes d’application.

Toute personne justifiant d’un intérêt légitime peut demander à modifier ou à changer de prénom (article 60 du code civil). Le juge compétent est le JAF.

En présence d’un mineur, ce droit peut être exercé par ses représentants légaux. Si l’enfant a plus de 13 ans il faut recueillir son consentement avant d’intenter la procédure.

Le greffe doit communiquer la demande au procureur de la République pour avis. S’il entend la contester la procédure sera contentieuse et s’il s’abstient de toute intervention, la procédure sera gracieuse. En tout état de cause, si des débats sont prévus, le procureur devra y assister (article 800 du code de procédure civile).

Le JAF compétent est celui du lieu ou demeure le demandeur, ou du lieu où l’acte de naissance à été dressé. Si le demandeur est étranger, et que son acte de naissance est archivé à Nantes auprès du service central du Ministère des Affaires étrangères, le JAF compétent sera celui de Nantes.

Dans cette procédure, la présence d’un avocat est obligatoire (article 60 du Code de procédure civile).

Contrairement aux autres décisions du JAF, le jugement n’est pas assorti de l’exécution provisoire (le changement de prénom ne sera effectif qu’une fois la décision devenue définitive).

À savoir : Le procureur de la République peut faire appel de la décision. L’appel est ouvert 15 jours à compter de la notification de la décision.

Le dispositif du jugement est transmise à l’officier d’état civil qui détient l’acte de naissance pour inscrire la décision en marge de l’acte de naissance.

Précisions sur la notion de « l’intérêt légitime » à changer de prénom

L’intérêt légitime est une notion différente et propre à chaque cas d’espèces qu’il appartient au juge d’apprécier. Une chose est sûre, il ne doit pas s’agir de convenances personnelles.

Il est à préciser que les demandes portant sur un deuxième ou un troisième prénom que l’on voudrait supprimer ou interchanger ne sont pas considérées comme légitimes. En effet, parmi tous les prénoms inscrits sur un acte de naissance, chacun est libre de choisir celui qui lui plaît et peut imposer ce choix aux administrations. Il n’y a donc pas lieu de saisir le juge pour ces changements.

Cas de reconnaissance d’un intérêt légitime par la jurisprudence

Dans le cas de l’usage prolongé d’un prénom différent que celui inscrit sur son état civil, la demande sera légitime s’il est avéré que depuis très longtemps (depuis l’enfance ou mieux, depuis la naissance) tout le monde vous appelle et donc vous connaît et vous reconnaît sous ce seul prénom.

Mais la demande ne sera pas considérée légitime si ce changement procède de votre seule volonté, si vous imposer du jour au lendemain à votre entourage de vous appeler différemment.

L’enfant adopté et né sous X se verra reconnaître un intérêt légitime à changer de prénom pour reprendre celui qui, donné par sa mère biologique, figurait initialement sur son acte de naissance.

La cour de cassation a reconnu qu’il était de l’intérêt légitime d’une personne née en Algérie dont le nom avait été francisé lors de l’obtention de sa nationalité française, de reprendre un prénom conforme à ses origines, dès lors que sa femme et ses enfants avaient des prénoms musulmans.

Changement de prénom et changement de sexe

La cour de cassation a reconnu dès 1975, que toute personne avait un intérêt légitime à choisir un prénom en adéquation avec sa morphologie et son apparence physique, sans avoir à exercer une procédure de changement de sexe pour modifier son état civil. (cass. civ. 1ère, 16 décembre 1975)

Il est à préciser que la modification du sexe à l’état civil ne sera accordée qu’après modification thérapeutique. Si elle a lieu, la prise en considération du changement de sexe obéit au principe du respect de la vie privée et il sera procédé au changement de prénom sans avoir à démontrer l’existence d’un intérêt légitime.

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